…Brewton
 
     
 
…Enfin Brewton serions-nous tenté de dire. Car c'était aussi le but du voyage pour beaucoup. Nous allions retrouver "notre" vétéran: James W. CARROLL. La petite ville de Brewton n'a guère plus d'habitants que Péruwelz. Après Richmond, Washington DC et Atlanta c'était la découverte du Deep South et la chaleur de l'accueil. Depuis 1995 nos y étions connus. Chaque année James leur racontait "Péruwelz et Bon-Secours". Des articles étaient publié dans les journaux. Des familles nous ont accueillis. L'occasion de mieux vivre le sud, loin de l'hôtel, de créer des liens, de mieux se comprendre, de participer à l'office le dimanche.
 
 
 
Nous avons été fêtés et accueillis comme les GI de 1944. Nos véhicules étaient exposés à l'aérodrome, auprès d'un B17 (la fameuse forteresse volante de la seconde guerre mondiale). Un des grands moments a été la manifestation officielle d'hommage aux vétérans et à leurs amis belges. Avec en début une reconstitution de la Libération: nos vieux véhicules, le Fred successeur du "Baudet Nazareth", le curé, le policier et les jeunes GI allant chercher les Américaines pour les faire danser sur un air de Glenn Miller. Ensuite l'hommage officiel, comme seuls les Américains peuvent le réaliser: respect, solennité, émotion. Et en fin de soirée, le feu d'artifice. La visite d'une base aérienne était aussi programmée, un dîner dans une propriété du sud, comme on les imagine. Et aussi, une soirée avec l'Americain Legion. L'occasion de rencontrer des vétérans, les familles. Dont cet homme qui avait 3 mois lorsque son père a été tué à Bastogne, cet autre d'origine mexicaine tellement fier de nous raconter Patton, "son" général. Et il nous raconta que son général avait du vivre au moins sept vies, tellement il était intelligent. Une explication, à chaque vie votre compréhension de la vie s'enrichit. Patton croyait en la réincarnation.
 
 
   
   
   
   
   
   
   
   
   
  Le vétéran  
 
Je ne t'avais jamais vu pleurer comme cela
un homme, un vieux soldat qui racontait
c'était une soirée d'été, sur la terrasse
avec une douceur qu'on dirait du Sud
et nous écoutions ta mémoire tes amis
de vingt ans, tu les revoyais corps sur
les plages, dans les bosquets normands
et l'immense Battle of the Buldge
 
Il y avait aussi notre petite ville
Tu étais le premier Américain
Sur sa Harley, symbole de la liberté retrouvée
Fer de lance des Soldats de la Liberté
Des filles, des fleurs, la foule, la joie et l'espoir retrouvés
"Voulez-vous promenade, Mademoiselle", disais-tu
 
Et puis, tu étais reparti
Sedan, Luxembourg, les Ardennes, l'Elbe
Maudissant parfois ces putains d'officiers qui t'avaient amené là
Ici, tous te croyaient mort
Ta mémoire seule vivait en nous,
Puissante de symbole
 
Nous t'avons retrouvé un demi siècle après
Au fond de ton Alabama natal, dans le Sud
Chaque année tu reviens
Les filles de 44 ont reconnu ton sourire
Et tes yeux, si bleus qu'un amour s'y noierait
Ici, tu es chez nous qui sommes devenus ta famille
Avec aussi des centaines d'amis
Nous te faisons la fête avec nos véhicules d'un autre âge
 
Et surtout une amitié immense
Avec toi, nous l'avons découverte vraie et forte,
Celle qui unit les hommes, comme au combat
Par delà ce qu'ils appellent la Patrie, les langues, la culture
 
Je me souviens, une fois
Nous visitions une exposition
"J'avais 20 ans en 1944"
Une vieille dame s'est approchée avec un enfant
"dit merci au Monsieur"…..Thank you Sir!
Thank you vétéran!
Nous ne le répéterons jamais assez!
 
Il y a eu aussi, les premiers jours de ton retour,
Cette rencontre avec un vieux soldat allemand, devenu Péruwelzien
Et nous vous avons laissés ensemble, par pudeur,
Car vous pleuriez en vous embrassant,
Simples hommes jetés dans un combat absurde
qu'ils ne maîtrisaient pas.
 
Je me souviens aussi de ce cimetière
C'était à Luxembourg
Un alignement de croix blanches, de marbre
C'était à Luxembourg
Tu avais revêtu ton uniforme
Au garde à vous devant Patton
Et tu as dit cette phrase
À jamais gravée dans ma mémoire
"Ici sont les miens"
 
Et puis il y a eu ce dernier départ,
De Bon-Secours.
Et tu as voulu nous laisser ton uniforme,
Celui que tu portais fièrement devant Patton,
Prétextant l'encombrement des valises
Mais l'un et l'autre on percevait comme un adieu
Et tu ne seras qu'en pensée parmi nous,
Réunis pour que vive la Mémoire…
Comme chaque année, d'une tradition.
 
Nous t'avons revu chez toi, cette année.
Nous étions partis avec nos vieux véhicules, ceux de ta guerre,
Les véhicules qui nous apportaient la Liberté.
C'était la fête pour nous accueillir.
Vous nous remerciez de notre venue,
Alors que nous venions, nous, vous remercier,
Vous rendre honneur.
Pour que la mémoire survive…Pour que plus jamais…
 
J'écoute du Glenn Miller
Seul dans ma chambre
Seul avec comme des fantômes
Ceux d'Omaha, d'Utah et de Bastogne
Ils venaient d'Amérique nous apporter la Liberté
Ils avaient quitté leurs fiancées, leurs mères, leurs femmes,
Toutes celles qui définissent l'homme
Un départ cruel à l'aube d'une vie
Ils sont vivants dans notre mémoire
Car un Soldat de la Liberté ne meurt pas
Il s'estompe, il s'évanouit.
 
J'ai envie de prendre ma jeep
Marquée de l'étoile
Et de rouler sans fin
Pour rappeler ceux qui s'estompent
Ceux qui s'évanouissent
Pour que leur Mémoire vive à jamais,
Symbole de la Liberté retrouvée
Et que nous devons chérir, que nous devons défendre.
 
   
   
 
Le plus important était cependant les retrouvailles avec James, "notre" vétéran.
Sa santé s'est améliorée. Il espère revenir chez nous en mai 2001.
Il a été de toutes les manifestations, de toutes les rencontres.
Il nous a même accompagné en voiture pendant quelques kilomètres,
à notre départ. A bientôt donc!
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